Last exit to beauduc

(2001-2010)

Que reste-t-il de Beauduc, ce bout du monde perdu au fin fond de la Camargue, dont l'isolement doit beaucoup à la longue route sinueuse qui y mène dans ses ornières de sel... Quelques planches de cabanes, quelques drapeaux au vent, des traces de vie, du vide, les bois flottés du Rhône, des caravanes posées pour le temps d'une saison... Car depuis 2004 et les premières destructions de cabanons ordonnées à grands renforts de moyens policiers, le cœur n'y est plus à la fête. Quelques irréductibles pourtant, malgré l'interdiction et les amendes qui pleuvent, viennent perpétuer le rite des vacances à pas cher et de la débrouille entretenue depuis les premières installations dans les années 1950.

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Vivre à Beauduc c'est faire le choix de la marge, du vivre en creux, dans l'entre-deux d'un monde fait de souvenirs de familles sur la plage. L'histoire d'une paix sociale plus ou moins tolérée, illégale, sans existence réelle au milieu d'un décor vierge de toutes infrastructures. L'histoire d'un lieu de vie populaire avec ses règles tacites, ses usages, son organisation, ses lieux dits, ses figures... Un monde peuplé des souvenirs de l'enfance, des contes de fées, du rêve  où chaque cabane tient lieu de soupape à rêveries et de moteur à mieux vivre, loin des contraintes qui pèsent... Car la vie est ailleurs, au fond des verres qui claquent, sous le filtre des tentes et des campements de fortune refermés à l'indienne, dans la périphérie surtout de ses vies claudicantes et de Robinsons échoués là...

On y vient pour trois jours, une semaine ou six mois, depuis l’Auvergne  l'étang de Berre, la Bretagne ou de plus loin encore, et Beauduc nous rappelle constamment que nous avons besoin de lieux pour construire des souvenirs, une histoire, une mémoire : un droit du sol sur lequel être libre.

A lire pour tout savoir : 'Beauduc, l'utopie des gratte-plage' de Laurence Nicolas, Images en Manoeuvre, 2008 ; et pour le fun un excellent polar : 'Adieu Gadjo' de Eric Legastelois, Actes Sud, 2001.